La résistance se justifie lorsqu'une souffrance extrême est infligée sciemment, dans un déni d'humanité, de fraternité dont la violence se déchaîne de ce fait.
Ce seuil est atteint dans le monde psy. Doucement approché par le déferlement des pseudos "neurosciences", arguant des "différences" anatomiques ouvrant la voie à une différence de nature bloquant l'identification empathique à l'autre, ce seuil permet aux traitements eux-mêmes de devenir inhumains. Ainsi de l'obligation de soin en ambulatoire en passe d'être décrétée et appliquée, uniquement à partir d'une dramatisation coupable, fausse et scandaleuse d'un fait divers par le président de ce qui reste de notre république. Elle crée une catégorie de français différente des autres, ne disposant pas du libre arbitre de son corps et de ses traitements, qui plus est sur l'organe le plus sensible et le plus intime, le cerveau.
En outre, elle suppose qu'une obligation de soin puisse être efficace, alors que le fiasco est déjà manifeste, comme c'était prévisible, pour les obligation de soin judiciaire des pervers et toxicomanes, quelle que soit la bonne volonté de ceux qui y participent..
Quelle est la vérité ? Les "psychotiques" sont à peine plus dangereux que le reste des humains, dans une proportion variable selon les études, mais le plus souvent on passe d'un ordre de 5% à 8 ou 9%. C'est surtout la toxicomanie, chez les schizophrènes comme pour quiconque, qui est la principale accusée pour les violences. Les psychotiques sont en fait les premières victimes de leurs difficultés, l'espérance de vie étant diminuée, toute causes confondues, de 10 ans à peu près...
Enfin, ces patients ont surtout besoin de relations thérapeutiques confiantes, stables et multiples pour avancer, soit l'inverse de ce que cette loi absurde et dangereuse propose, pour un résultat qu'on peut prédire inverse...
Alors, pourquoi cette cabale et cette barbarie ?
Après l'islam, les roms, les schizophrènes maintenant. Tout cela rappelle une époque qu'on pensait révolue, où l'Etat se mêle d'eugénisme et de discrimination religieuse ou raciale, même positive. Ce n'est plus une crainte, c'est maintenant, c'est une réalité actuelle.
C'est donc maintenant qu'il faut résister, résister à l'injonction thérapeutique, quelle qu'elle soit, résister à la pseudo biologisation, sans preuve avérée, des troubles psy des adultes et dys des enfants, résister au message plus que trouble de Michel Onfray dans son attaque de la psychanalyse, attaque justifiée sur le manque d'études sérieuse de résultats (encore que cela commence à venir..), mais dangereuse dans la voix qu'elle ajoute à la stigmatisation de la maladie mentale, à sa biologisation, ce qui est la même chose. D’après cet auteur, elle serait le fait d'humain non comparables à nous, différents...
Le fascisme, puisqu'il faut bien le nommer, est une pratique plus qu'une philosophie. Elle est, comme telle, souvent insidieuse, et beaucoup y participent de toute bonne foi sans s'en rendre compte. Pour ce qui nous occupe, cette pratique est simplement celle de la supériorité biologique supposée, qu'elle soit intellectuelle ou physique. Elle est l'essence du fascisme, son fondement parfois inconscient, parfois non. Il serait "justifié" que tel grand patron, par ses talents "extraordinaires" siphonne 100 fois ou plus le smic à la société : ce serait un être supérieur. Il est logique qu'on ne demande pas son avis au pervers pour le traiter, le castrer chimiquement, au schizophrène pour lui imposer sa camisole chimique, à l'enfant "hyperactif" pour lui modifier la cervelle avec des amphétamines : ils seraient biologiquement différents, ce qui justifie qu'on ne leur demande pas leur opinion, pas plus qu'on ne demande leur avis à des êtres non parlants... La parole de l'autre disparaît en même temps que son visage, derrière ces notions barbares de supériorité et de différence, comme l'avait bien vu Lévinas...
Racisme généralisé et fascisme souvent inconscient, au profit de quelques pauvres êtres de pouvoir qui se persuadent ainsi de leur propre supériorité, s'abritant d'eux-même et de leur altérité sinistrée, derrière une norme devenue écrasante?
Nous y sommes. L'heure n'est plus à s'indigner, mais à résister, chacun de sa place de citoyen et de professionnel. Résistance pacifique, résistance de dialogue, d'explication, cela va de soi, en terme d'efficacité, du moins dans notre société où c'est heureusement encore possible.
Derrière cette résistance des soignants et des citoyens, c'est la parole sinistrée de nos patient dont nous défendons la valeur, ce qui est et notre métier et notre devoir...
Dr Michel Levy, Rodez
Auteur de "Psychanalyse : l'invention nécessaire " 2005, L'Harmattan et de "Psychanalyse : une éthique de l'engagement" 2010, L'Harmattan.