conçoit par extension que le plaisir d’être soi est toujours là conséquence de l’effort continuel de relier ces deux plans, sans cesse. Ce plaisir d’être soi ne peut donc pas être un état, une image de soi, mais une dynamique de vie…
Pour résumer, être à la recherche de soi est sans doute le centre profond du plaisir de vivre, les problèmes commencent quand on pense s'être trouvé, ou pire, lorsqu'on espère ou subit la reconnaissance de l'autre !
Une preuve expérimentale solide de l'efficacité ces idées pour la schizophrénie a été donnée par les équipe de santé mentale finlandaise. "En Finlande, une approche psychothérapeutique par la parole et en réseau a émergé, appelée “Open Dialogue". Elle fait appel aux principes dialogiques de Bakhtin (Bakhtin, 1984) et s’enracine dans la tradition Batesonniene (1)(2).
Deux niveaux d’analyse, conceptuel et sur le positionnement institutionnel, sont présentés :
Le niveau conceptuel (3) comprend trois principes : “tolerance de l’incertitude”, “dialogisme” (4) et “polyphonie dans le réseau social”. La réunion thérapeutique montre de quelle façon ces concepts opèrent pour générer un dialogue thérapeutique.
Le positionnement institutionnel (3) est la pratique de cette méthode dans l'institution, qui soutient cette façon de travailler et s'intègre dans le NAT - Need Adapted Treatment, (5)
La recherche récente suggère qu’Open Dialogue a amélioré les résultats pour les jeunes dans de diverses crises psychiatriques aiguës, telles que les psychoses, comparée au traitement habituel. Dans une étude non randomisée de suivi à 2 ans d’un premier épisode de schizophrénie, l’hospitalisation a diminué jusqu'à 19 jours environ ; la médication neuroleptique a été nécessaire dans 35 % des cas ; 82% n’avaient plus de symptômes psychotiques, ou n’avaient plus que des symptômes bénins ; et seulement 23 % bénéficiaient d’allocations d’invalidité."
Ces équipes ont tout simplement rétabli le dialogue entre la réduction symbolique et son reste, au lieu de s'en tenir au clivage, comme la phénoménologie et ses avatars lacaniens autour de la forclusion, transformant le figeage dans le symptôme en nouvelle dynamique de pensée et de vie.
Le dialogue fondamental, au coeur même de l'être, est donc entre ces deux axes que Mélanie Klein avait repéré, entre le chaos sensoriel toujours remanié par les flux internes et externes de la vie, facilement schizoïde, et la logique symbolique dans laquelle ce chaos tente de s'inscrire, toujours vainement en sa totalité, et toujours au risque de la rigidité paranoïaque pour qui tenterait de s'y retrouver de façon stable, et totale, en fait dès lors rigide. Se maintient alors une structure symbolique non adaptative, déliée à la fois du corps et de ses mouvements, mais aussi du réel et de ses flux.
Sinon, si ce dialogue entre l'interne et l'externe est maintenu ou rétabli, alors de multiples résonances constructives et organisantes restaurent aussi la dimension du plaisir que nous définissons ainsi ici, dans une extension du travail de Jérémy England entre thermodynamique et vie.
Citons pour conclure ce chapitre à nouveau Lévinas, un peu maltraité plus haut, mais bien pertinent ici : le moi, ce n'est pas un être qui reste toujours le même, mais l'être dont l'existence consiste à retrouver son identité à travers tout ce qui lui arrive.
Je changerais plutôt cette assertion en la suivante, vous le comprendrez : le moi, ce n'est pas un être qui reste toujours le même, mais l'être dont le plaisir consiste à retrouver son identité à travers tout ce qui lui arrive.