Pathologie du rythme fœtale et troubles de l’imaginaire. 

Il est de très nombreux articles sur l’impact des divers vécus émotionnels de grossesse sur le comportement du futur enfant. Le problème est que peu sont scientifiques, et sont simplement des liens de corrélation fait par de très nombreux cliniciens. Leur pertinence est de ce fait faible, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient fausses pour autant. 

 

L’impact de la dépression maternelle sur le développement du fœtus est par contre fort bien étayé.68 

Les recherches portent essentiellement sur les neurotransmetteurs, parfois sur les gènes. Les résultats à ce niveau sont peu concluants, même si quelques études, non généralisables, incriminent le taux de cortisol, l’hormone du stress. 

Il serait sans doute plus pertinent de s’interroger sur les échanges rythmiques par lesquels nous avons commencé ce chapitre. En effet ces résonances sont le témoin d’une présence attentive à notre plaisir, et donc sont aussi le préalable à nos investissements vers l’autre, puis les autres. Cette dépréciation aiguë de la fonction principale de nos organes sensoriels, qui est la recherche d’interférences plaisantes pour l’organisme, qui est peut-être, on l’a vu, la principale cause d’autisme, est aussi pour Jean Giono, la cause de la dépression. L’autisme, dépression aiguë du nourrisson?? En tous cas il est dans la dépression aiguë de l’adulte des signes de nature autistique… 

Cet auteur décrit ainsi la dépression qu’il traverse, à la suite de graves déconvenues dans sa vie, nous pourrions ici dire à la suite de résonances destructrices au lieu d’être musicales?: 

 «?Un jour on perd une fleur de sauge, l'autre jour on perd un arbre, puis un lambeau de forêt, puis un fleuve tout entier avec ses roseaux et ses poissons : ce qui était là devant vous, dressé en profondeur avec ses volumes et toutes les délicieuses avenues qui y sont entrecroisées de tous les côtés, on se précipite, saisi d'angoisse et, en effet, on le touche, peint, plat, plâtreux, mort. Comme si, brusquement, on était dans un canton de l'existence où il ne reste plus que des symboles, on habite des fresques de la vie. Elles vous entourent des quatre côtés avec des murs. La perspective et la couleur jouent cruellement avec vos désirs. Dans l'élargissement du ciel le plus océanique votre main ne trouve pas d'issue. C'est alors qu'il faut mourir, c'est plus logique. Il est impossible de rester en désaccord. L'accord est la seule joie du monde ; et de ce côté il est encore là, et soumis à votre volonté ; ou bien, c'est alors qu'il faut s'arracher et non pas fuir, mais poursuivre. C'est l'effort le plus barbare du monde mais le plus beau.?» 

Comment mieux dire que lorsque la musique du monde, c’est-à-dire sa résonance profonde avec nous et notre imaginaire, disparaît trop brutalement, nos symboles, notre langue, nos mots perdent aussi leur sens. Rappelons-nous cette remarque d’Heidegger que nous avions rapporté plus haut69 

«?La perte même du contact avec les choses, qui est observée dans les états de dépression, ne serait aucunement possible si un état de ce genre ne demeurait pas, lui aussi, ce qu'il est en tant qu'état humain, à savoir un séjour auprès des choses. C'est seulement lorsque ce séjour caractérise déjà la condition humaine que les choses auprès desquelles nous sommes peuvent cependant ne rien nous dire, ne plus nous toucher.?» 

Qu’est la dépression, sinon une chute d’un imaginaire suffisamment harmonieux, voire de l’imaginaire tout court, faute de résonances positives??  

 

L’imaginaire et l’autre, d’abord de la musique… 

Mais qu'appelle-t-on ainsi plan imaginaire chez l'enfant ou le fœtus ? Ce n'est pas que la représentation du monde, que se fait, du plus simple au plus complexe, n'importe quel vivant, de la paramécie70 à l’homme, et qui ne peut effectivement fonctionner sans un minimum de mémoire permettant l'adaptation au milieu. Ce petit animal unicellulaire est en effet capable de marches arrières coordonnées à la présence d’un obstacle devant lui, dans un tube où il ne peut se retourner, témoignant de la mémoire de ce blocage. Cette définition de l'imaginaire en tant que travail de la simple mémoire inscrite dans l'organisme n'est pas fausse, mais insuffisante chez l'homme. Il est aussi la trace d'une existence de l'autre, d'une articulation à l'autre, d'une présence, d’une volonté qui entre en relation avec nous. Nous venons de voir que cette instance naît sans doute grâce à des résonances impliquant une double activité, celle de l’embryon et de la mère. Cette rencontre répétitive entraine une mémorisation particulière, celle de l’écho d’une autre présence à soi, à ses propres actes. Ce serait là la naissance d’une altérité imaginaire. 

Il existe alors une continuité de la vie imaginaire, s’originant des rythmes sensoriels, dans le passage du fœtus au bébé?: Ainsi, dans cette continuité, Maya Gratier note la troublante parenté entre les échanges mère enfant et les structures musicales. 

«?On peut concevoir la mère et le bébé comme un véritable système dyadique où chaque modification chez l’un entraîne une réorganisation des deux. La dyade représenterait un système en équilibre dynamique capable de s’accorder rythmiquement, et en réajustement continuel. Le modèle de ces interactions n’est pas celui de l’action-réaction mais de la co-action et de la co-construction. Parallèlement à la régulation de comportements physiques, l’accordage mutuel des états subjectifs les fait entrer en résonance pour former un seul espace mental, l’espace intersubjectif.?» 

Dès lors, la conversation entre une mère et son bébé s’apparente beaucoup à une improvisation musicale, ce que détaille cet auteur dans la suite de son article?:  

«?Le modèle de ces interactions n’est pas celui de l’action-réaction mais de la co-action et de la co-construction. Parallèlement à la régulation de comportements physiques, l’accordage mutuel des états subjectifs les fait entrer en résonance pour former un seul espace mental, l’espace intersubjectif.?» 

Elle note dans ces interactions le même phénomène qu’en musique?: l’uniformité rythmique crée un effet «?d’ennui?» et de désintérêt du fœtus?! 

C’est cet espace sensoriel partagé qui serait alors la porte d’entrée de la subjectivité?: 

 «?La symbolisation et l’accès à l’intelligence dépendent de l’intersubjectivité et donc du rythme partagé. L’autisme, par exemple, pourrait trouver son origine dans un défaut de rythmicité qui aurait engendré à la base le défaut de symbolisation caractéristique de ce trouble.?» 

La finesse de ces observations montre clairement qu'un espace intersubjectif est ainsi créé à partir d'une rythmicité partagée, illustrant d'une façon bien plus simple que chez Einstein l'appartenance à une même dimension fondamentale de l'espace et du temps !} 

 

Ce terme d’altérité imaginaire est évidemment connoté d'une croyance en l'accompagnement d'une puissance intelligente et active, et pourquoi ne pas voir dans ces prémices la matrice de ce qui s'appellera plus tard divinité ? Il semble d’ailleurs que les premières d’entre elles soient des figurations de femmes enceintes, les célèbres Venus de la préhistoire… 

Quelque soient les sociétés humaines, le fait massif qu’elles possèdent toutes une cosmogonie divine s’origine peut-être de cette altérité intra-utérine qui commence tout juste à être étudiée… L’embryologie de l’imaginaire ébauche ainsi peut-être ce puissant ancrage pour les groupes humains qu’est l’altérité divine, essentiellement en tant que présence authentifiée par le langage peut-être ? La religion universelle est bien celle de la langue... 

La question qui s’impose alors est bien claire?: les animaux vivipares et ovovivipares croient-ils aussi en dieu???  

 

Vie animale embryonnaire intra utérine et sociabilité. 

Sans aller aussi loin, force est cependant de constater que les animaux vivipares et ovovivipares, dont l'embryon se développent dans le corps de la femelle, ou du mâle, comme par exemple chez l'hippocampe, possèdent des comportements sociaux particulier, peut-être déjà préparés par cette présence de l'autre dans leurs premiers développements embryonnaires. Peut-être, à défaut de dieu, croient-ils ainsi en l’autre?!  Bien entendu, le fait que les œufs soient ainsi mieux pro




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